SAISONS 23/24 et 24/25

ALEXIS SAVELIEF

Compositeur en résidence à l’Orchestre national de Cannes en 2024, Alexis Savelief est l’auteur d’une partition de ciné-concert pour le film muet Nosferatu (1922) du réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau. En concertation avec l’Orchestre, il a composé la musique d’un autre film muet, Le Voyage dans la lune (1902) de Georges Méliès, présenté en ciné-concert le 25 avril 2024. En mars 2025, l’Orchestre créera sa nouvelle partition conçue pour un des dessins animés des concerts en famille Cartoon Orchestra.

QUE SIGNIFIE POUR VOUS UNE RÉSIDENCE ?

Un partenariat artistique pour lequel le compositeur et l’orchestre déterminent ensemble les projets à créer, en cohérence avec les ambitions artistiques de l’orchestre. C’est aussi apprendre à connaître une formation et ses musiciens, en l’occurrence ceux de l’Orchestre national de Cannes. Une résidence, c’est bien entendu la composition, mais aussi les actions de médiation que je serai heureux de mener auprès des publics pour expliquer la musique d’aujourd’hui et leur permettre de mieux l’appréhender, notamment en dédramatisant ce qu’est la musique contemporaine.

COMMENT SE SONT PASSÉS VOS PREMIERS MOIS DE RÉSIDENCE ?

Il y a eu deux temps. Un premier où j’ai travaillé de mon côté sur la musique du film Voyage dans la lune de Méliès, puisqu’une partie importante de mon travail est de mettre au point une musique qui colle aux images du film. La synchronisation musique et image est en effet un point essentiel à garder à l’esprit lorsqu’on compose une musique de film.
Après en avoir déterminé les grandes lignes, j’ai rencontré les musiciens de l’Orchestre pour échanger avec eux et plus particulièrement les chefs de pupitre avec lesquels il y a eu un travail individuel. J’ai ainsi pu recueillir leurs avis et remarques sur la difficulté de certains passages, et conseils pour remodeler ceux qui étaient impossibles à jouer.
En parallèle du travail d’écriture, nous avons mené une réflexion avec l’Orchestre sur les actions pédagogiques qui pourraient être menées auprès des publics au cours de la saison 24/25 et que je me réjouis de proposer.

COMMENT AVEZ-VOUS INTÉGRÉ LES ÉCHANGES AVEC LES MUSICIENS DANS VOTRE ŒUVRE ?

Ce dialogue avec les musiciens est précieux. Il permet une confrontation entre ce qu’on imagine en tant que compositeur et la manière dont la partition va réellement sonner.
L’œuvre était déjà écrite mais heureusement, nous avons toujours la latitude de faire des changements. Par exemple, j’avais écrit pour trompette en si, mais les trompettistes de l’Orchestre m’ont indiqué qu’ils jouent sur trompette en ut. J’ai donc réécrit cette partie en m’assurant que toutes les notes pouvaient être jouées, en les octaviant par exemple, car certaines notes devenaient trop graves pour l’instrument. J’avais utilisé le système pour basson allemand, plus courant, pour écrire ces parties. Grâce aux échanges avec le basson solo de l’Orchestre, j’ai découvert que le pupitre joue sur basson français, ce qui a une incidence sur les doigtés. J’ai passé quelques jours à lire de la documentation pour apporter les corrections techniques nécessaires, sans modification musicale. Enfin, avec le chef Benjamin Levy, nous avons échangé sur l’importance de la synchronisation entre musique et image. Benjamin Levy a une certaine habitude et je me suis appuyé sur son expérience.

QUEL ACCUEIL A ÉTÉ L’ACCUEIL DES MUSICIENS ?

C’est toujours intimidant d’arriver au sein d’un groupe constitué, surtout avec une partition exigeante. J’ai été agréablement surpris, car tous les musiciens croisés ont pris du temps pour me répondre et pour regarder les partitions. Ils ont joué le jeu et cela a permis d’anticiper des difficultés qui auraient véritablement posé souci si elles avaient émergé au moment des répétitions. J’étais plus serein et j’espère que les musiciens l’étaient eux aussi.

LES PERSONNALITÉS MUSICALES DE L’ORCHESTRE ONT-ELLES INFLUENCÉ VOTRE TRAVAIL ?

Lorsque j’ai rencontré pour la première fois les musiciens de l’Orchestre, la musique du Voyage dans la lune était déjà écrite, donc il n’y a pas eu d’influence musicale. En revanche, j’assiste régulièrement aux concerts de l’Orchestre depuis presque deux ans et j’ai donc découvert son esthétique. Et effectivement, cette connaissance de l’Orchestre va nécessairement influer sur les créations à venir.

POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS SUR LES PROJETS DE RENCONTRE AVEC LE PUBLIC ?

J’ai imaginé trois projets de rencontres différents. L’un d’entre eux consiste à mieux faire comprendre le rapport entre musique et image et de constater à quel point la musique joue un rôle important sur l’interprétation des images que les spectateurs voient. Pour ce faire, nous allons choisir une ou deux scènes de film et, de mon côté, je vais écrire plusieurs partitions avec des intentions très contrastées pour un même extrait. Le public sera invité à la démonstration de cet exercice pour vivre cette expérience en live avec l’Orchestre.
Le deuxième projet se fera en deux temps. D’abord, un public adulte sera invité à venir siffloter une mélodie de son invention puis après cette rencontre relativement courte, pendant quelques mois, je réaliserai une orchestration sur chaque mélodie. Puis, le public sera convié à revenir à une restitution de cette version orchestrée de ses mélodies qui seront jouées par l’Orchestre lors d’un concert public.
Enfin, nous allons proposer un projet autour de l’orchestration et l’importance de l’arrangement des timbres sur une musique donnée. Une pièce courte pour piano sera proposée au public qui l’écoutera dans un premier temps. J’aurai ultérieurement découpé l’œuvre en plusieurs fragments avec pour chacun trois versions différentes d’orchestration. Le public choisira au fur et à mesure de leur écoute leur version préférée, par le biais d’un vote. À la fin, toutes les versions choisies seront assemblées et l’Orchestre interprétera l’orchestration préférée du public.