SAISONS 23/24 et 24/25

ALEXIS SAVELIEF

Compositeur en résidence à l’Orchestre national de Cannes pour les saisons 23/24 et 24/25, Alexis Savelief, 35 ans, est l’auteur d’une partition de ciné-concert pour le film muet Nosferatu (1922) du réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau mais aussi d’un Concerto pour Cristal Baschet et orchestre « Leading Astray ». Passionné d’instruments rares et amoureux des timbres orchestraux, il commence l’étude de la musique par le violoncelle et écrit ses premières notes vers l’âge de 8 ans.
Rencontre avec un compositeur d’aujourd’hui, aussi à l’aise pour la musique à l’image que pour la musique expérimentale.

QUE SIGNIFIE POUR VOUS UNE RÉSIDENCE ?

Un partenariat artistique pour lequel le compositeur et l’orchestre déterminent ensemble les projets à créer, en cohérence avec les ambitions artistiques de l’orchestre. C’est aussi apprendre à connaître une formation et ses musiciens, en l’occurrence ceux de l’Orchestre national de Cannes. Une résidence, c’est bien entendu la composition, mais aussi les actions de médiation que je serai heureux de mener auprès des publics pour expliquer la musique d’aujourd’hui et leur permettre de mieux l’appréhender, notamment en dédramatisant ce qu’est la musique contemporaine.

À QUEL MOMENT AVEZ-VOUS RESSENTI LE BESOIN, L’ENVIE DE COMPOSER ?

Au cours de la première année de violoncelle, j’avais 8 ans ! Mais j’ai commencé à écrire plus sérieusement vers 11 ans, de petites pièces toutes simples, essentiellement pour piano. Je ressentais déjà ce besoin d’écrire pour l’orchestre alors que je ne connaissais rien à l’orchestration ! J’ai présenté mes premières partitions, assez rudimentaires, à ma professeure de formation musicale qui m’a orienté vers Bernard Cavanna, directeur du Conservatoire de Gennevilliers et compositeur. Il m’a amené à orchestrer mes thèmes écrits pour piano afin qu’ils soient joués par l’orchestre du conservatoire. Évidemment, c’était très motivant pour le jeune musicien que j’étais !

D’OÙ VIENT VOTRE ATTIRANCE POUR LA MUSIQUE À L’IMAGE ?

Je m’en souviens très bien : c’était en 1999 lorsque Star Wars Episode 1 est sorti. J’avais réussi à trouver la bande-originale du film signée John Williams avant la sortie sur écran en France (il y avait à l’époque 6 mois de décalage entre la sortie US et la sortie française). Je l’ai écoutée en boucle. C’est à ce moment-là que j’ai eu envie d’écrire de la musique, d’abord sans film, puis avec des images.
Un peu plus tard, Bernard Cavanna m’a incité à choisir un film muet pour m’entraîner à la musique de film. J’ai choisi Nosferatu car enfant et adolescent, j’adorais les vampires ! Je m’y suis consacré pendant deux ans, alors que j’étais en Première et Terminale, et je me suis rendu compte que j’appréciais d’écrire pour l’image.

QUELLES SONT VOS INFLUENCES ?

Tout dépend des œuvres que j’écris. Il y a deux grands axes bien différents dans mon travail : une première voie pour la musique de film et, de manière générale, de la musique assez facile d’accès, et une seconde pour de la musique un peu plus expérimentale, peut-être plus difficile à aborder. Pour la musique de film, mon influence majeure reste John Williams et tous les classiques qui l’ont lui-même inspiré. Lorsque j’étais enfant, j’empruntais à la bibliothèque des BO et c’était presque toujours du John Williams. Il existe une grande variété de couleurs orchestrales dans sa musique, qui m’a sensibilisé aux sonorités et aux timbres, aux contrastes et aux dynamiques qu’il est possible de créer grâce à l’orchestre. Évidemment, j’ai également étudié toutes les grandes partitions du répertoire classique.
Pour la musique plus expérimentale, Ligeti, Scelsi, Xenakis ou, plus récemment, Hugues Dufourt mais aussi Bernard Cavanna, et bien d’autres que je découvre au fil de mes écoutes.

OÙ VOUS SITUEZ-VOUS DANS L’UNIVERS MUSICAL ACTUEL ?

Je pense que comme beaucoup de compositeurs aujourd’hui, je ne me situe pas dans une mouvance en particulier. J’ai plutôt tendance à tirer parti de toutes les expériences qui ont pu être faites depuis 1950. Je combine les différents outils à ma disposition sans me cloisonner dans une esthétique.
Pour la musique de film, je continue à travailler avec des thèmes musicaux, comme cela se fait depuis de nombreuses décennies, mais aussi avec des textures instrumentales.
En revanche, c’est évolutif lorsque je m’attelle à la musique expérimentale. Actuellement, je m’intéresse à des instruments qui peuvent sembler étranges comme les gongs ou le « waterphone », que beaucoup de personnes ont déjà entendu sans nécessairement s’en rendre compte, notamment en musique de film. Ce sont des instruments qui produisent des fréquences, mais sans qu’il soit possible de déterminer précisément les notes. Ils m’ont obligé à questionner la fonction des notes, à élargir ma manière d’entendre et donc d’écrire. Les notes en elles-mêmes vont avoir un peu moins d’importance que leur rôle dans le timbre et dans le développement horizontal.
Par ailleurs, lors du centenaire du Sacre du printemps (de Stravinski), en 2013, j’ai entendu cette œuvre plusieurs fois de suite en concert et je me suis rendu compte que lorsque nous sommes face à ce genre d’œuvre, nous l’écoutons avec nos oreilles bien entendu, mais nous la ressentons également par le corps. Depuis cette expérience, cette dimension viscérale m’a donné un nouvel axe de travail.

AVEZ-VOUS UN INSTRUMENT OU UN TIMBRE FAVORI, OUTRE LE VIOLONCELLE ?

Bien sûr, comme je connais le violoncelle intimement, j’écris peut-être de manière plus fouillée pour cet instrument ! Ceci dit, je ne pense pas avoir d’instrument favori, car ce qui compte pour moi, c’est la fusion des timbres : comment on les mélange, comment ils peuvent servir à exprimer le discours musical. J’aime tous les instruments, et je me sers de l’un ou de l’autre selon le contexte et ce que je souhaite exprimer.

COMMENT ENVISAGEZ-VOUS LE TRAVAIL AVEC UN EFFECTIF PRÉCIS ?

C’est l’un des premiers éléments à définir lorsque l’on débute un projet, et a fortiori, une résidence d’orchestre. On va aussi s’interroger sur la durée, notamment pour une musique de film. Une fois l’effectif défini, je le prends en compte dès la phase de conception pour sculpter le voyage musical que je souhaite proposer aux auditeurs. Cela fait partie intégrante de mon travail de compositeur.

Découvrez l’univers d’Alexis Savelief et échangez avec lui à l’occasion du concert Le Bel Aujourd’hui, jeudi 25 avril 2024.
Vous pourrez apprécier en création mondiale l’œuvre composée durant sa résidence pour l’Orchestre national de Cannes.

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